Revue éditoriale
Chères Christiane et Dominique,
Cette missive quelques années après la parution de votre échange épistolaire dans « Vous vieillissez ? Nous aussi ».
J'ai aimé la fraîcheur de votre livre. Son actualité vivante dans une France vieillissante qui s'interroge étrangement sur ses vieux.
Etrangement, car la « question des seniors » est souvent abordée de façon économique, contrainte ou désincarnée. La vieillesse, on la pense et on la panse à coup de mesures correctrices sur la prise en charge de la dépendance, les nécessités de transmission du savoir dans les organisations de travail vieillissantes, l'urgence de renouveler les équilibres économiques pour la survie des régimes de retraite.
Au fond, la vieillesse reste une question qui tient du mystère lorsqu'on la tient à distance. Cette question ressemble à ce que vous évoquez dans votre livre : un kaléidoscope qui nous concerne tous ! La vieillesse c'est nous tous chaque jour. C'est nous tous un jour.
J'ai aimé les fils que vous avez tirés dans la pelote de laine de l'entrée en âge. Vos regards en ombre et lumière. « Coté lune, côté soleil » comme dirait notre amie du Chèvre-feuille Nic Sirkis !
Côté lune, il y a les technologies parfois mais pas tout le temps, la maladie, le noir qui dit la dépression, la solitude imposée, le corps qui se fait entendre, le vide des fêtes obligées.
Côté soleil, il y a les enfants, les mots, l'amour à facettes et ce versant dont vous donnez une image espiègle, l'amitié.
A mes yeux la vieillesse ne peut être limitée, individuellement ou collectivement, à un poids. Ou alors elle est un poids plume !
J'aime ce titre d'un livre de Marie de Hennezel et Christian Vergely : « Une vie pour se mettre au monde » qui dit que la vieillesse n'est pas un état mais un chemin et, sans naïveté, les branches et fruits de la vie qui font l'arbre de l'âge.
Cet arbre, il me parle tellement que j'en ai fait le sujet de mon dernier livre dont la couverture est illustrée par un tableau de Najia Mehadji : un arbre plume pouvant suggérer l'âge venu.
Vous savez, un peu, comme lorsqu'on raconte une histoire en commençant par « il y a belle lurette... »
J'aime bien imaginer ces heures de vivant engrangées dans le corps et le cœur jusqu'à notre fin. Heures fragiles, belles, difficiles. Mystérieuses, lasses et partagées comme si bien vous l'écrivez.
La vieillesse est, il me semble, une source. Source d'eau vive hydratant tous les âges, source de sens uniques à chacun, insolente et sage.
Source de légèreté en prise à la gravité : celle des limites de la vie, l'éphémère et la mort que vous évoquez sans vous appesantir.
Merci de votre livre de légèreté profonde.
Douce joie, réalités de l'âge, citronnées, acidulées, au fil des pages.
Hélène Pradas Billaud
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