Description
Deux voix s’appellent, se cherchent, se répondent. Lui raconte l’exil, le travail, les humiliations. Vieux travailleur maghrébin à la retraite, il est tous ces hommes au corps usé qui font encore la traversée, d’une rive à l’autre de la Méditerranée, pour rester utile, pour rester debout. « Ses mains ne travaillent plus la France. » Il arrive à la fin de sa vie et se demande à quel endroit il doit se faire enterrer : ici ou là-bas?
Elle, elle est toutes ces filles françaises d’origine maghrébine, qui ont grandi avec le silence des parents qui n’ont rien raconté de cet exil qui n’est pas le leur. Elle dit pourtant qu’il est tatoué sous sa peau. Elle raconte l’enfance, les silences et le manque. Il comble un peu l’absence, elle propose une réponse sur le dernier lieu.
D’une très grande sensibilité l’auteure dont le métier est d’être clown avec pour nom « Virgule » a une devise : « Le clown vient sur Terre pour nous donner de nos nouvelles ». Elle découvre l’Algérie à 50 ans, après la disparition de ses parents. La nécessité de tirer les fils de leur histoire a donné ce texte qui nous touche au plus profond de notre être.
sabine Peglion –
Emouvant, lumineux et profond, le recueil de Rabia, Une valise dans la tête, publié aux Editions Chèvre-feuille étoilée, explore la quête identitaire des enfants d’immigrés .En tentant de reconstituer « son histoire »,en cherchant les mots-passerelles qui pourront lui dire d’où elle vient, Rabia révèle la nécessité, le désir de se constituer une légitimité, de « trouver un point d’ancrage »,en cela elle met en évidence la douleur en héritage, de cette génération « d’après » « Déchirée entre deux cultures/piégée dans un exil qui n’est pas le mien /je cherche ma préhistoire. » Comment avancer dans la vie, comment construire s’il manque « dans la phrase monde » un bout d’histoire. Enfants de ces hommes murés dans leur silence, car « les hommes de l’exil doivent se taire / pour avancer » un silence qu’il devient nécessaire de briser « parle-moi de ton silence/je le traduirai » « J’ai besoin de ton histoire / J’ai besoin de tes mots/pour comprendre les miens. » Des mots enfouis dans la solitude :« je regarde cette homme seul/assis sur son banc […] dans son costume de solitude/ses mains ressemblent à des racines/qui mendient un peu d’eau. » Déraciné, ce père absent est convoqué « toi le vieux père maghrébin/tes mots solitaires m’offrent des images/ils guident mes pas aveugles » Tenter de retrouver une terre, des parfums, des couleurs, un lieu reconnu, c’est , à travers ses propres souvenirs donner une réalité, une épaisseur tangible à cet homme , funambule, entre deux rives recoudre les blessures d’un exil que l’on n’a pas choisi.
Ainsi par ce chant partagé rappelant ce que la France doit à ces hommes silencieux, en leur restituant leur entière dignité, Rabia apporte une réponse à cette interrogation universelle, que formule ce « sage aux cheveux blancs »
« dans les ruines de l’avenir /qu’est ce que je laisse de mon passage »
Sabine Péglion