Description
L’Imprévisible, nous y sommes confronté.e.s dès la naissance et même avant. L’essence même de la Vie est d’être imprévisible mais parfois nous tentons de prévoir notre avenir à plus ou moins long terme. Les derniers événements relatés dès nos vingt ans par nos auteures prouvent s’il en était besoin que nous ne maîtrisons que peu de choses.
Les mois que nous venons de vivre, ont été pleins d’éclairs, de clameurs, d’enfermements, de souffrances. Un inconnu appelé Covid 19 est tombé sans avertir sur une humanité affolée. Comme une nuit qu’on pressentait, qu’on pressent encore, sans fin. Pourtant, nous avons quelques raisons d’avoir de l’espoir et même du plaisir. Et c’est par l’art que l’humanité sait se sauver.
On se demande comment sur la même terre, tant de drames et tant de créativité peuvent coexister au même moment ? Dans notre petit monde éditorial, le numéro de cette revue qui, toujours, a aimé les Étoiles, prouve une fois de plus que l’art survit toujours. Qu’il est possible, désirable, acté. La création, l’imagination, ont un pouvoir insoupçonné sur nous, elles sont une exhortation à la vie, une matière vivante. C’est sans doute pour cela que tant de femmes et d’hommes s’y adonnent, si passionnément :
« Toujours elle. Uniquement elle.
La création.
L’imprévisible création.»
nous dit Anne Poiré dans le texte qu’elle signe ici.
Dans cette entreprise d’oubli du malheur, nous confions à l’art le soin d’accomplir pour nous la réconciliation avec nous-mêmes, avec nos semblables. Sans même le vouloir, nous en faisons un exercice purificateur. Mais un exercice qui figure l’humain tel qu’il est, réel, empreint de méchanceté et de bonté, irréfutable. Peut-être parce que l’art est, à des degrés divers, en chacun de nous.
L’Imprévisible, c’est aussi cette rencontre avec une très jeune artiste et autrice Louise Hapton de Montpellier. Dessins et sculptures étranges, engagement féministe, conceptualisation de ses œuvres, nous nous sommes laissées surprendre et nous vous invitons à en faire autant. « Quand je crée, je suis en état de transe, et c’est à la fois déroutant et exquis. Le thé m’accompagne toujours quand je peins ! »
Contribution de 27 autrices et 7 artistes.
Marie Malaspina –
Eloge du gris.
À la lecture du numéro d’étoiles d’encre 83-84, me viennent des échos : « Pour accentuer les pertes et les absences, quelque chose semblait avoir reçu la mission d’assurer son salut en sautant de côté pour laisser passer le désastre » Leonardo Padura né en 1955 à La Havane nous le dit dans « les hérétiques ».
Je pense aussi au petit livre de Lucienne Piery « Les jardins de la mémoire » aux éditions Allia, elle nous dit la singularité d’Armand Schultess retiré à 51 ans dans les châtaigneraies du Tessin en Suisse pour déployer son œuvre dans la nature.
Ils sont les inextricables : parmi eux un nouveau visage naît à étoiles d’encre mis en lumière par Marie-Noël Aras.
Louise Hapton « livreuse d’espoir » : Son acrylique sur bois intitulé « La chasse aux putes m’a immanquablement évoqué “l’enfer” de la divine comédie de Dante et les bords du Styx le fleuve de la tristesse. Pourtant le monstre en érection malgré ses mains multiples ne parvient pas à freiner leurs courses de vivantes, reste la peur.
En Écosse et en Espagne, la réhabilitation des sorcières devient une réalité, mais la liberté des femmes n’est jamais acquise, Simone de Beauvoir nous en avait prévenues. J’aime que Louise parle aussi de toute la méchanceté dont nous sommes capables, ça repose du piédestal où notre manque d’humilité veut nous faire grimper, oubliant que les statues se cassent en tombant.
C’est l’enseignement de Louise de nous dire que toute vie se transforme et s’immisce dans les failles.
Le blanc, le noir, le bien, le mal : qui sommes-nous pour en juger ? À partir de quel référentiel ?
Nous ne pouvons que tenter de briser la glace.
Kafka : “L’écriture est la hache qui brise la couche de glace qui recouvre la mer gelée en nous”.
Et René char : “Les mots savent de nous ce que nous ne savons pas encore”.
Nos meilleurs amis : les livres et le bonheur de retrouver au fil des pages “d’étoiles d’encre” les autrices devenues avec le temps des amies dont nous attendons des nouvelles.
Refuge et piste d’envol.
Marie Malaspina.
Grenoble