Description
Penser la vie, voilà la tâche, écrivait Hegel. Dans le monde comme il va, n’est-ce pas aujourd’hui une urgence ?
Dans un monde entraîné dans une course aveugle au profit, à la consommation, au progrès technologique et au pouvoir, où partout les femmes, les hommes et les enfants subissent le terrorisme et la mort violente, la revue Étoiles d’encre a pour vocation d’explorer des façons de penser et de vivre porteuses de sens et d’espoir.
Plusieurs auteures comme l’écrit Behja Traversac ont ressenti l’intime besoin de dénouer l’énigme de notre présence au monde.
Penser la vie c’est ce que Cécile Oumhani avait fait avec Asli Erdo?an en 2003 dans un entretien publié dans Étoiles d’encre : Écrire Pourquoi ? Et l’on constate, 15 ans après, combien cette écrivaine militante est restée fidèle à elle-même.
Anne Lantheaume-Damville nous livre sa vision de la vie. Ses peintures et installations sont le fruit de sa contemplation.
Feuilletez les premières pages, l’édito et le poème de Rose-Marie Naime et Danièle Maffray
“Penser la vie, voilà la tâche” Hegel Vivre n’est déjà pas un long fleuve tranquille, mais écrire sur le Penser la vie que nous avons adressé à notre petite communauté littéraire n’était pas totalement sans embûches. Si la vie n’est pas simple pour la majorité des humains alors la penser ! Penser la vie ! pourquoi cette injonction ? Penser la vie comme on penserait un projet, un poème, une revue ou la fabrication d’un objet banal ? Cette assignation à penser ce qui nous fait ce que nous sommes a-t-elle une quelconque validité hors des terres philosophiques ? Salutaire perplexité car nous ne sommes ni Descartes, ni Spinoza, ni Gauchet, ni Badiou… Pourtant, quoi que j’en dise, les auteures de ce numéro n’ont pas été en panne d’inspiration. Elles n’ont seulement pas frémi du désir et de la volupté de s’enquérir1 sur cette question avant d’écrire leurs textes. Du moins, à les lire, je le suppose.
On nous dira : n’est-il pas mieux de prendre simplement la multiplicité de la vie à bras-le-corps avec passion ou avec sagesse ou avec raison sans trop se soucier de ce pourquoi on existe dans ce bas monde. Dans ce cas on considérerait qu’il n’est pas important de s’interroger sur le sens de l’existence, sur le sens de son début et de sa fin, nous démettant ainsi de nos peurs et de nos inquiétudes sur l’improbable espoir que le puissant, l’invincible instinct de vie, suffirait à faire oublier le mystère. Michèle Perret dans son superbe et bouleversant poème écrit : Elle ressemble à une allégorie et se tient à la porte de toutes les cathédrales gothiques de la vieille Europe – mais ils ne l’ont jamais laissée entrer. La vie ?
Pourtant, sans être Descartes ou Spinoza, on aimerait bien pouvoir comprendre comment cet atome chimérique, qu’est l’humain, soit jeté sur cette planète-là pour naître et disparaître. À l’infini. Depuis des millions d’années. La race humaine marche, croit aller quelque part. Elle ne va que vers la mort (V. Meynadier). Même en sachant cela, comment ne pas être tiraillés par la profonde faim de certitude, l’intime besoin de dénouer l’énigme de notre présence au monde.
Et cette énigme-là est une nostalgie insatiable. On la quitte et on y revient, sans cesse, indéfiniment, obsessionnellement. La question est et demeure : comment vivre quand on ne comprend pas ce qui nous fait être et ne plus être ? Comment accepter l’exil à venir, l’exil éternel, l’exil de la vie. C’est que nous ne sommes pas imperméables au temps et le temps impose sa volonté à la vie. Il n’a aucune prévenance. La vie et le temps se confondent dans des noces voraces, dévorantes et, dans cette fusion même, les noces sont pourtant précaires, fugitives. Le vainqueur sera toujours le temps. Elle s’assoit sur l’herbe mouillée et contemple la voie lactée dans l’océan du temps (D. Maffray).
Ce qui n’empêche que notre désir de vivre est passionné, une colonne de désirs, ardents, insistants, nous habite. Même au bord de la mort, nous désirons désespérément vivre, c’est cela le point d’orgue, n’est-ce pas ? Qu’importe le hiatus de l’à-venir, qu’importe La chambre à personne de Rilke illustrant le lieu de la mort, seules comptent au fond, les demeures tangibles, matérielles et intellectuelles aussi nombreuses que les êtres qui ont habité, habitent et habiteront la terre. La force de la vie dit-on.
Alors, l’expérience sensible de la vie n’est pas que cette interrogation par laquelle j’ai commencé, c’est aussi et surtout la certitude d’être au cœur du monde, le monde que nous nous créons, fait, depuis la naissance, de mémoires, d’Histoire, de luttes, d’amour, de création, d’espérances. Un monde où cohabitent nos vacillements et nos résistances, nos tremblements et nos véhémences, nos intuitions et nos doutes.
L’expérience sensible de la vie c’est d’avoir un corps qui sent, qui souffre, qui a faim, soif, un corps qui vit. Ce qui n’empêche que Penser la vie nous renvoie évidemment à l’interrogation millénaire : notre esprit est-il partie de ce corps, avancent-ils et périssent-ils séparément ou dépendent-ils l’un de l’autre ? Comment savoir ? C’est justement ce lent soulèvement des voiles sur ce qui nous est caché qui fait la vie passionnante (M. Malaspina).
Alors ne soulevons pas le voile, étreignons l’ivresse de vivre comme le miracle le plus inattendu, comme la volupté inhérente à l’acte de respirer, de voir, d’avoir un cœur qui bat, d’aimer pour l’autre et pas seulement pour soi. Behja Traversac
- Edito Behja Traversac 3
- Penser la vie Rose-Marie Naime 7
- Forum 9
- Femme Rachel Cohen 10
- Savon d’Alep Clara Delange 12
- Hier, aujourd’hui, demain R. Cohen 13
- Que s’est-il passé ? Régine Nobécourt Seidel 21
- Toi la vie R-M Naime 23
- Eleonor d’Aquitaine Cathy Lavigne 27
- Une artiste à étoiles d’encre
- Anne Lantheaume-Damville 29
- Variations 41
- La force obscure Marie Malaspina 43
- Vies rêvées Mita Vostok 51
- Jasmin Cathy Lavigne 53
- La vie de Magaly Valéry Meynadier 57
- Les mots Aldona Januszewski 63
- Autre prière R-M Naime 65
- La visiteuse Michèle Perret 67
- L’oublieuse Clara Delange 69
- C’était un petit garçon Danièle Maffray 75
- La lettre Annick Demouzon 77
- Nuit accentuée Huguette Bertrand 85
- Gelée première Rachel Cohen 87
- Ahmed Hélène Levasseur 91
- À contre courant R-M Naime 95
- Haïkus Michèle Juan I Cortada 98
- La Rando Nicole Buresi 99
- Le grand devin Aldona Januszewski 103
- J’suis décalée Hélène Levasseur 104
- Penser la vie, c’est penser la mort Fawzia Assaad 107
- Mémoire et histoire 111
- René-Paul Traversac, Un rebelle bienveillant
- Behja Traversac et ses ami.e.s 112
- La tirelire aux livres Yvonne Ferran 122
- Naïve Viviane Campomar 127
- D’un art, l’autre 129
- La Saga des géants 130
- Textes Annie Duvergnas
- Encres Marie-Lydie Joffre
- Partage 133
- La marche des femmes à Montpellier
- M-N Arras, Janine Teisson, Nathalie Bénézet 134
- Créer la vie M-N Arras 138
- 3000 nuits Nic Sirkis 142
- B comme Bonheur Nic Sirkis 147
- 12 petites histoires Aldona Januszewski 156
- Une belle aventure Sylvie Voisin 158
- À livres ouverts 161
- On a aimé :
- Il y a des choses que non de Claude Ber par M-N Arras 162
- Elles et ils ont aimé :
- Tunisian Yankee de Cécile Oumhani par Dominique Godfard 163
- Ben nafa ka tia de F.?Diep et A. Olivier par Janine Teisson 165
- Le Bonheur passait, il a fui ! de D. Godfard 166
- André?Breton, le surréalisme et l’Algérie, ALA par M-N?Arras 167
- Parutions :
- Ma fille ne t’en va pas de Marion Poirson Dechonne 168
- Tumultes de Christine Deroin 170
- Marie de Montpel’hier de Sylvie Léonard 171
- L’amer noir de Nic Sirkis 172
- La Cavalière de Jeanne Galzy 173
- Des siècles de vents bleus de 174
- Michèle Petit avec Frosso Axioti Vassilikioti
- La merveilleuse histoire de Charles Pipeyroux de 175
- Hélène Pradas-Billaud – ill.?Valérie Linder
- Melting Plot – Une enfance en Egypte dePeggy Pepe-Sultan 176
- Appel à textes
- Révolutions 177
- À ciel ouverts 179
- La ville dont la cape est rouge
- Rencontre entre Cécile Oumhani et Asli Erdo?an
18 illustrations couleurs et nombreuses illustrations noir et blanc de :
- Anne Lantheaume-Damville
- Sylvie Seigneuret
- Danièle Maffray, Marie-Lydie Joffre et Mita Vostok
« J’arrive à un âge où je ne pense plus la vie. Je LA VIS.
Vivre ma vie, c’est regarder tout ce qui naît, pousse, grandit, déborde dans la nature encore un peu sauvage, ou bien dans la cité entre deux pierres sur un trottoir.
La vie se faufile partout dans un désordre joyeux, une audace timide, une belle effervescence. En perpétuelle métamorphose sous les lumières changeantes.
Les moindres clapotis, frémissement, chuchotis, bruissement, me rendent vivante.
Tout ce qui sourd, s’étale, s’élève, fuit, tout ce qui gronde et détruit résonne en moi comme un écho.
c’est pourquoi je contemple et je peins :
L’eau de l’étang qui se ride
L’eau de la source qui va disparaître
L’eau de la rivière qui s’abîme en mer
Le rocher qui s’effrite et s’effondre
L’arbre vert devenu rouge
Car penser LA VIE c’est aussi penser LA MORT
Face au paysage, j’oublie qui je suis. De ce vide sans pensée discursive, sans savoir, sans récit, quelque chose va naître.
Cette disponibilité, source d’enchantement et d’énergie, me fait accueillir des formes de couleurs.
S’instaure alors un va-et-vient entre ce que je vois et ce que je suis. Je ne suis pas plus importante que le sujet. Il entre en moi comme j’entre en lui. De cette rencontre surgit de l’inattendu. Une surprise. Un mystère.
Ce n’est qu’une fois la toile « finie » que d’autres processus entrent en jeu ;
C’est ainsi qu’au fil des jours et des années j’ai pu me sentir plus libre et plus forte pour affronter ce monde dont les êtres se croient le centre et tentent, mais vainement au final, de le dominer avec arrogance. »
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