On a mis le feu et le feu gagne. Le feu n’a pas de frontières. Aldona Januszewski Depuis la nuit des temps, c’est elle qui mène le jeu, elle, la frontière. Logée en nous, elle s’impose, se diffuse insidieusement dans nos manières d’être et de penser. Elle est à la fois objet de désir et de rejet, tour à tour ombre protectrice ou rempart répulsif. Elle est ancrée dans nos têtes. Omniprésente, comme une greffe dont, souvent, parfois (?) on ne veut pas, mais qui pourtant s’enracine dans nos subconscients, sans que nous prenions tout à fait la mesure de ce qu’elle nous dicte silencieusement, subrepticement, à pas feutrés. Un jeu de pistes. Elle gouverne notre relation aux autres. Avançant à visage masqué, c’est sans doute par son silence sur nos intolérances, qu’elle leur permet d’exister. Cette frontière-là rend inintelligible une partie de notre propre être. Inintelligible ce qui, en nous, admet l’irrationalité du racisme, admet l’infériorisation des femmes, inintelligible ce qui mène à l’agression des enfants. S’il est des frontières à abattre dans les têtes, c’est bien celles-là. Mais la frontière n’est pas que dans nos têtes, elle est partout dans notre environnement, dans notre Histoire. Songeons à la manière dont les frontières dans le monde ont été dessinées, redessinées, délimitées, déplacées, transformées ou créées de toute pièce, renommées et imposées sans aucun souci pour les peuples qui vivaient alentour, sans souci des relations séculaires qui existaient entre eux, de ce qui les séparaient ou les unissaient, de ce qui a construit l’Histoire de ces territoires qu’on fragmentait et qu’on plongeait dans les conflits les plus dévastateurs. Ce fut, l’apanage de tous les puissants du moment depuis les temps les plus reculés et jusqu’à nos jours. Ce fut le cas sur tous les continents et celui de tous les empires. Le seul souci c’était, c’est encore, agrandir l’empire, soumettre les hommes, s’emparer des richesses. Nous en constatons les ravages chaque jour, chaque heure. Si cette manipulation des frontières a entraîné des guerres cruelles, des traumatismes, la perte des repères arrimés à un sol, séparant des peuples vivant sur le même espace physique depuis des siècles, elle a, dans le même mouvement, creusé la voie de la discrimination ethnique entre ceux qui se vivaient souvent sinon comme semblables, du moins comme voisins respectueux et respectés, ainsi que le rappelle le texte sur l’ex-Yougoslavie de Marie-Noël Arras. Cette différenciation ethnique s’est toujours exercée entre les vainqueurs et les vaincus, entre les conquérants et les indigènes. Une démarcation se dressant comme un isthme entre deux mers, faisant s’effondrer l’imaginaire d’un destin commun, désormais assigné à un étroit critère de couleur de peau, de religiosité ou d’habitudes culturelles. Le racisme a sans doute commencé là. Il est au cœur de ce processus de suprématie des puissants de l’heure. Autrement dit, les frontières géographiques arbitrairement et violemment édifiées ont eu des conséquences sociales, politiques, psychologiques, linguistiques… incalculables. Et ces barbelés-là, sont peut-être les plus inamovibles, les plus dangereux pour l’humanité. C’est cela que dénonce, ici, Elaine Mokhtefi dans un texte lucide et courageux, elle, l’Américaine, bloquée à la frontière d’une Algérie qu’elle a tant aimée. Behja Traversac
Sommaire 65/66 : à feuilleter ici. Edito, Behja Traversac
Carte Blanche à Samira Negrouche : Qui connaît le désert sait qu’il n’est jamais vraiment ouvert
et Plus qu’une évocation, une étreinte ( hommage à Chantal Lefèvre)
Une artiste à étoiles d’encre :
Delphine Dussoubs par Marie-Noël Arras 21
Forum 49 Eux/Nous, Rose-Marie Naime 51 Traverser des frontières sans peine, Elaine Mokhtefi 53 De grands cimetières sous la lune, Aldona Januszewski 57 Quelle frontière entre Gestation pour autrui, vente d’utérus et prostitution ? Geneviève Duché 59 Kamel Daoud ou l’écriture de la marge, Yamina Bahi 63 Migrations, Rose-Marie Naime 68 Comment ne pas hurler, Marie-Noël Arras 71 La jungle de Calais vue par Loup Blaster 75
Variations 79 Je suis drap, Mita Vostok 81 Haleine de lendemain, Rachel Cohen 85 Déglingué, Aldona Januszewski 90 Un coeur se froisse, Françoise Trichet 92 Les sentes de l’exil, Marie-Agnès Salehzada 93 À la frontière d’elle, à la frontière d’eux… Fatima Kerrouche 97 Serai-je dieu, table ou cuvette ? Nicole Buresi 103 Traversée, Aldona Januszewski 106 Au bord, Caroline Fouchac 110 Que Jeunesse est belle ! Régine Nobécourt-Seidel 111 Fusion, Marina Pesic 114 Lignes de vie, Ève Duron 115 Mains déchirées aux barbelés, Michèle juan I Cortada 118 Étoile filante, Peggy Sultan 119 Au bout du chemin, Clara Delange 121 Sur le pont, Marilyse Leroux 123 Humanité intégrale et moqueuse, Rose-Marie Naime 125 Passages, Nathalie Bénézet 127 La passion d’Amédée, Muriel Chaler 129 Ce jour porte un crêpe de nuit, Françoise Trichet 132 Cauchemar, Thérèse-Françoise Crassous 133 Nudité, Janine Teisson 137 Honaiahaka, ValérY MeYnadier 139 Radiation, Françoise Trichet 146 La Forteresse des mots, Marina Pesic 147 Le temps retrouvé, Behja Traversac 151
D’une frontière, l’autre 155 Mères enfants devant le mur, Michèle Juan I Cortada 156 Frontières mentales, Monique Chaïbi 157 Plus qu’une frontière à passer, Clara Delange 161 L’ici et le là-bas, Rose-Marie Naime 164 Voyages, Clara Delange 166 Tryptique sur les frontières, Sagia Bassaid 169
D’un art, l’autre 175 Petite suite de poèmes noirs, Annie Devergnas 176 sur La marée noire, Marie-Lydie Joffre Poétarium, Huguette Bertrand 183 poésie d’Huguette Bertrand, ill. Marie-Lydie Joffre 184
A livres ouverts 185 Non au système prostitutionnel de Geneviève Duché 186 Cahiers polymères N°1 par
Valéry Meynadier La petite fille sous le platane de posa Cortés par
Slimane Aït Sidhoum Les arbres ne nous oublient pas par
Djillali Benchikh Nos parutions de février à mai 2016
Partages Abolies, les frontières, Marie Virolle 201 Remerciements à toutes celles et ceux qui soutiennent cette revue !
BIOGRAPHIE Née en 1988,
Delphine Dussoubs a toujours eu un goût prononcé pour l’art et l’image. Après un BAC Arts Appliqués et 5 ans d’études dans le cinéma d’animation, elle quitte la France pour le Canada et s’installe à Montréal en 2012 . Dans la vraie vie, elle est directrice artistique et illustratrice. Cependant, elle aime cultiver d’autres passions et bousculer les codes en traversant différents médiums de création: animation 2D, Vjing, illustration, carnets de voyage, sérigraphies et tatouages colorés sur la peau… Web :
https://cargocollective.com/delphinedussoubs Blog :
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