Description
Les révoltes ont l’âge de toutes les violences. Elles ont imprégné la longue Histoire des peuples. C’est sans doute l’un des phénomènes les plus anciens qu’ait connu l’humanité. Les temps nouveaux de toutes les oppressions et de tous les conservatismes laisseront forcément remonter les révoltes de demain. Et demain c’était la consternation, le chagrin du 7 janvier 2015 ; demain c’était le 11 janvier 2015, lorsque des citoyens ont dit NON nous ne resterons pas apeurés ou indifférents ; nous barrerons la route au meurtre, à la violence, par ce geste simple, pacifique : marcher ensemble pour dire notre profond désir d’union. Nous ouvrirons inlassablement les portes de la laïcité, de la liberté, si chèrement conquises. Mais pourtant, nous ne perdrons pas notre capacité de discernement : nous continuerons de chercher à comprendre, tout aussi inlassablement, l’enchaînement des causes qui conduisent aux crimes abominables auxquels nous assistons ici et ailleurs.
Dans ce numéro, une jeune Iranienne, Hasti Javadi, a accepté de répondre aux questions de Marie-Noël Arras sur sa conception de la révolte et la situation des femmes en Iran aujourd’hui. Feuilletez le début de l’entretien
Anne CotreL, a illustré ce numéro par des encres et des aquarelles spécialement créés pour les textes de nos auteures et a répondu à Isabelle Blondie dans un entretien qui dévoile son cheminement et la façon dont s’est construit son talent.
Anne Cotrel est peintre et dessinatrice, a suivi des cours à l’atelier Met de Penninghen et à l’école supérieure des arts décoratifs de Paris avant de poursuivre sa formation à l’université Concordia de Montréal. Canada, Italie, Suisse allemande,… Ses diverses expositions lui valent consécutivement le premier prix de peinture de la Province de Versilia en Toscane et celui de la Fédération internationale des Femmes artistes de Bruxelles.
Feuilletez le début de l’entretien
et l’édito de Behja Traversac
Vertige !
Il n’y a pas de révoltes sans violence. Et ce mot « révoltes » nous renvoie à des questions vertigineuses. Peut-on dénombrer les causes de nos révoltes ? Peut-on les hiérarchiser ? Par leur actualité ? Par leur potentiel de dangerosité et d’injustice?? Par l’émotion qu’ils suscitent dans la société civile ou dans la sphère politico-médiatique ?
En réalité, nous n’avons pas à dénombrer, hiérarchiser : les violences auxquelles nous assistons ou que nous subissons, sont à jet continu dans nos vies et dans notre environnement. Elles nous tombent sur le dos, rouges de sang, noires d’intolérance, d’enfermement, de dieux impérieux, de fausses raisons et de causes coupables. Marges grises de la déculturation des uns, de l’indifférence ou du cynisme des autres, elles enfantent de croyances insensées, de théories fumeuses et de guerres sans nom. Elles sont le produit et le reflet de nos sociétés, réduites à la mise en scène d’elles-mêmes, oublieuses de la désintégration de nations entières dont sont responsables leurs gouvernants.
La révolte est Une parole contraire dit Erri de Luca. Elle est, le plus souvent, évidemment, hors consensus. Elle est comme l’expression, libre, intransigeante. Elle a imprégné la longue Histoire des peuples. C’est sans doute l’un des phénomènes les plus anciens qu’ait connu l’humanité.
Nous ne sommes pas en quête de révoltes – et nous, femmes, savons la révolte ontologique qui est la nôtre depuis au moins 2000 ans et qui n’a pas attendu le xxie siècle pour se manifester – non, nous ne sommes pas en quête de révoltes, les révoltes sont de vieilles amies chez la plupart des femmes, elles les habitent, campent en sentinelles autour d’elles et les font tenir debout. Elles ont l’âge de toutes les violences. Incessantes, multiformes, immémoriales, présentes partout dans le monde. Téméraires ou courageuses, elles prennent parfois le risque de mettre en danger la liberté ou même la vie. Elles sont un souffle régénérateur, celui qui tresse le fil de l’espoir. Les auteures de ce numéro ne s’y sont pas trompées. Si la présence des poétesses est si prégnante sur ce thème, c’est grâce à la puissance des mots et à la fulgurance des images qui est le propre de toute vraie poésie. Je ne citerai qu’un fragment de celle de la sublime Rose-Marie Naime : L’une des deux moi/ Qui gîtent au fond de moi/ Reprend son sac/ Son sac de révolte/ Le charge à nouveau/ Sur son dos. Et n’oubliez pas de lire son Je suis et, de bien loin de la France, la révolte d’une jeune Iranienne, interrogée par Marie-Noël Arras.
Et puis comment ne pas lire et relire Aldona Januszewski dans un texte d’une lumineuse clairvoyance, qui illustre à lui seul, les raisons de nos révoltes essentielles sur la situation du monde : Les guerres fratricides n’en finissent pas. Ils revendiquent, mentent, agressent, expulsent, tuent, colonisent, érigent des murs pour se protéger. On n’en voit pas le bout. Le ver est dans le fruit, la haine amène la haine, la violence embrase, le sang appelle le sang, sans fin. […] Si je ne crie pas, ça se passe bizarrement dans ma tête […] je sais mais je crie… dit-elle. Et j’ajouterai : c’est parce que je sais, que je crie, avec Aldona.
Dormez braves gens, la révolte n’est pas morte. Pas n’importe laquelle, pas celle qui charrie l’obscurantisme et son cortège de fanatismes et de malheurs, non, celle qui devrait nous faire moins égoïstes, moins violents, moins haineux. Celle qui nous rapproche d’une humanité qui aura enfin oublié, la honte qu’elle eut, d’avoir été la première espèce prédatrice du règne animal.
Celle, spontanée, pacifique, fraternelle de ce 11 janvier 2015 en France… qui subjugua le monde.
Behja Traversac
Anne Cotrel, peintre et dessinatrice a suivi des cours à l’atelier Met de Penninghen et à l’école supérieure des arts décoratifs de Paris avant de poursuivre sa formation au Canada (BA in visuel art à l’université Concordia à Montréal).
À l’instar de Fariba, cette infatigable globe-trotteuse continue sa quête d’artiste en mouvement. Canada, Italie, Suisse allemande Ses diverses expositions lui valent consécutivement le premier prix de peinture de la Province
de Versilia en Toscane et celui de la Fédération internationale des Femmes artistes de Bruxelles. Curieuse et avide de diverses techniques picturales, Anne Cotrel a suivi des cours de calligraphie chinoise et de peinture traditionnelle japonaise. Sa dernière exposition à Pignia en Corse date de juillet 2013. La féerie picturale d’Anne, série d’aquarelles inspirées des lieux a accompagné musique et poésie d’amis artistes à l’occasion du festival Festi Voce.
Anne partage sa vie entre Paris et Montreuil-sur-Mer où elle a créé l’association Quai Nord. Ce collectif d’artistes organise régulièrement des expositions thématiques. Le point commun entre les associations MoHa et Quai Nord, c’est la volonté d’associer diverses disciplines artistiques et horizons culturels.
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