Revue 33-34 – Entre temps

8,00


Revue 33-34 - Entre temps -Éditions Chèvre-feuille étoilée
Revue 33-34 - Entre temps -Éditions Chèvre-feuille étoilée

Carte blanche à ANNIE COHEN

ISBN : 9782914467537 Catégorie :

Description

Carte blanche à ANNIE COHEN

… il est dix-neuf heures. Au moment où il est dix-neuf heures, il est déjà dix-neuf heures passées d’une seconde, puis deux. Attendez ne partez pas, c’est pas fini… Ces mots relevés dans le texte de Keltoum Staali sont l’expression de cette illusion, du temps en mouvement perpétuel, du temps scandé, du temps qui s’enfuit, à jamais vainqueur de nos existences.

Et pourtant, chaque texte dans ce numéro, par ses interrogations même, énonce le désir irrésistible d’échapper au temps… Je voulais l’éternel, tu voulais l’infini. C’est l’instant qui nous lie. Qui nous rend si vivants… écrit ici, du présent « personnel », Hélène Pradas. Et ces mots d’Annie Cohen : … un temps plein d’un présent absolu sans devenir ni passé… qui nous disent le présent universel.

Feuilletez ce numéro avec toutes les peintures de la carte blanche en couleur

« Carte blanche » à ANNIE COHEN

 » J’ai décidé de partager avec d’autres les pages d’écriture et de peintures qui me sont offertes. Sur le thème du temps, cette simple consonance, cette folle injonction, ce sujet ou cette absence de sujet. Dans ce voyage de résistance, d’élaboration, d’amitié ou de complicité, j’ai invité : Carole Aurouet, François Barat, Marcel Rodriguez, Anne Rothschild, Caroline Sagot Duvauroux, Mireille Vautier et Dominique Vochelle. »

Que l’heure sonne, que l’aiguille tombe,

que le temps n’existe plus pour moi.

Goethe, Faust

On ne peut empêcher la chute de l’aiguille. La chute survient, le temps de la chute n’est déjà plus. On naît au temps, on chute du temps. On le sait, mais on ne sait rien. Toutes ces choses qui constituent nos vies et qui tombent comme l’aiguille de l’horloge, dans l’inconnu… ellipses d’instants, nuées d’échos, survivances d’images, de sons, de fascinations, de douleurs, d’allégresses… le corps qui s’enflamme, le cœur qui se rompt, et puis… plus rien. Le temps premier, hiératique, nous heurte, nous étiole, nous estompe, nous efface ; le temps fait de vie, fait de temps, fait de mort. La vie, contrainte à l’impossible pause, s’esquisse dans son insoutenable légèreté.

Le temps, tel est donc le thème de ce numéro qui inaugure l’année 2008. Qui inaugure une étape du temps à laquelle nous attribuons douze mois, trois cent soixante cinq jours ou quelques dizaines de millions de secondes. On y entre par le premier de l’an. Annie Cohen parle de Roch Hachana, et en la lisant, je traduis mentalement en arabe, Ras Essana, le même sens. La même langue, les mêmes syllabes à une consonne près. Sens et langue unis-séparés, séparés-indissociés ; union immémoriale transcrite à jamais dans le temps de l’Histoire. Malgré, ou grâce aux hommes. 2008, une année comme une page blanche ? Une année nouvelle dit-on communément. Comme on dirait… vide de temps, vierge de substance, débarrassée du spectre des terreurs, de l’effroi des guerres. Prête à dispenser de l’ivresse et du rêve, à s’ouvrir à d’exquises promesses. Pourtant celle-ci, comme celles qui l’ont précédée, est pleine des temps d’avant, des désillusions et des aveuglements, des conquêtes et des tyrannies, des fureurs et des rivalités d’avant, des embrasements fous de l’année dernière, d’hier seulement… Et, seul ce milliardième de seconde – calculé par Planck et dont nous parle ici Rosa Cortès – seul ce milliardième de seconde semble absurdement séparer 2007 et 2008. Le passage d’une année l’autre en un milliardième de seconde ! Du moins dans nos calendriers de rationalistes, désormais épousés par tous, ou presque tous.

Non, l’année qui nous arrive n’est ni immaculée, ni innocente. On l’aimerait vraiment nouvelle, apaisée, vidée des violences. Fragment d’ombre fugitive dans la permanence du temps, dans son épaisseur et dans sa fulgurance, elle est, sera, l’absolue continuité de notre proche passé. Son souffle, ses silences et ses fracas graveront leurs traces fugaces sur ceux-là seuls qui la vivront, vivants d’aujourd’hui… dont les corps périront demain. Sa postérité habitera à distance les temps à vivre des cohortes des gens d’après ; ils imagineront, dans leurs tables d’écriture et d’image, tout ce qui l’a traversée, passionnée, tourmentée ; leurs récits s’écriront dans cette absence primordiale de ceux qui l’auront façonnée, hors d’eux, dans les seules pulsations du temps qu’ils auront à vivre. Ils écriront de 2008, comme nous écrivons aujourd’hui des Egyptiens et des Grecs, de nos pères et mères, des poètes disparus… comme nous écrivons de Dante et de Rimbaud.

Toutes les cultures, toutes les religions, toutes les philosophies, toutes les sciences, tous les poètes et tous les écrivains se sont éperdument interrogés sur le temps. Sur son insaisissable essence. Oui, tous se sont interrogés sur son éternité et sa fugitivité. Sur sa réalité même. Tous ont, au plus profond de leur être, cette clôture, cette enceinte native du temps qui ne les quitte pas et par laquelle ils savent qu’ils seront emportés. Pour les plus grands d’entre eux, leur empreinte vaincra le temps, enfin… le temps humain[1].

Tous ne portent évidemment pas la même perception intime du temps. De Zoroastre à Aristote, du judéo-christianisme à l’islam, de l’art rupestre à Soulages, de Ibn Arâbi à Derrida, de Roûmi à Hölderlin… cent et un poèmes, cent et un cantiques, cent et une écoles, cent et un courants, un million d’arcs en ciel qui disent les jours, les nuits, qui disent el ayyam[2], el layyali[3], qui disent le temps éphémère et le temps infini, qui disent ez-zamân[4], the time ou les Mille et une nuits et Les songes d’une nuit d’été, tout entiers contenus dans le temps sacré et le temps profane, nos propres temps, nous renvoyant en miroir nos naissances, nos fins et nos recommencements… C’est de ce matériau impalpable, sombre, lumineux, ami et ennemi, visiteur désiré et haï, étranger et paradoxalement familier, qu’écrivains et poètes modèlent la chair de leurs personnages, sculptent la force de leurs mots, la fragilité de leur être au monde. Les écrivains et les poètes, ces gens d’écoute absolue, briseront leur vie, mais non leur verbe, à dire le temps, ses immobilités et ses métamorphoses, les unissant par delà la vie par delà la mort : Unir tous les temps est donc l’aventure tentée dans ce recueil depuis les commencements jusqu’aux lendemains de la vie dit, ici, un texte de Amina Saïd.

Ce thème sur le temps qui a inspiré tant de textes, qu’avec regret nous n’avons pas pu tous retenir, montre, s’il en était besoin, combien chacun de nous est  traversé d’une manière ou d’une autre, par ces interrogations lancinantes : le temps a-t-il une existence ? Est-il contingent ou primordial ? N’est-il qu’un mirage ? Une vacuité que nous emplissons de nos rituelles célébrations, de bruits, de passions, de peurs, de morts répétitives, de chagrins indicibles, de vibrations de la vie ?  Serait-ce cela le temps, cette cosmologie où s’épousent la fulgurance de l’instant et son éternité et que nous croyons maîtriser au travers des comptes de nos clepsydres, de nos sabliers, nous essoufflant à le poursuivre aujourd’hui de nos horloges atomiques ? …il est dix-neuf heures. Au moment où il est dix-neuf heures, il est déjà dix-neuf heures passées d’une  seconde, puis deux. Attendez ne partez pas, c’est pas fini…  Ces mots relevés dans le texte de Keltoum Staali sont l’expression de cette illusion, du temps en mouvement perpétuel, du temps scandé, du temps qui s’enfuit, à jamais vainqueur de nos existences.

Et pourtant, chaque texte dans ce numéro, par ses interrogations même, énonce le désir irrésistible d’échapper au temps, ce pacte primitif que nous signons les yeux encore mi-clos, ce battement souterrain qui nous étreint dans sa course ininterrompue, qui nous accule sans cesse à être hors du passé, hors de l’avenir, projetés, malgré nous, dans la roue vertigineuse du présent… Je voulais l’éternel, tu voulais l’infini. C’est l’instant qui nous lie. Qui nous rend si vivants… écrit ici, du présent « personnel », Hélène Pradas.  Et ces mots d’Annie Cohen qui nous guide vers l’injonction que nous adresse le présent universel …un temps plein d’un présent absolu sans devenir ni passé… La durée ne serait alors concevable que dans le présent, dans ce quanta de Planck par lequel nous éclaire Rosa Cortès. Le présent, l’instant pur, infiniment bref, qui dès son irruption bascule dans le passé et résorbe en lui le futur ; le présent, l’ultime signe du temps où se déploie la vie et s’invente le monde, où le temps et l’espace s’emplissent de la vie des hommes. Cette présence-absence de l’instant qui rend nos colères dérisoires, nos guerres harassées, nos haines sans objet.

Comment dire le temps sans dire l’espace, ou l’espace-temps qu’Einstein nous dit interdépendants, enchevêtrés, imbriqués dans un inextricable dialogue ? Une dialectique complexe que démêle la relativité d’Einstein. Au fait, savons-nous lequel de l’espace et du temps est primitif ? Savons-nous comment les agencer dans notre imaginaire ? Passagers sans boussole dans le temps, les hommes édifièrent pyramides et cathédrales, synagogues et mosquées, temples et bouddhas… qui figurent plus que toute autre œuvre, la peur du temps nu, le face à face solitaire avec ce qu’il porte de néant. Mais ces monuments symbolisent aussi la fusion charnelle de l’homme et de l’espace et du temps. Une relation triangulaire. L’expérience temporelle des hommes est intimement inscrite dans l’espace. Leurs corps, leurs arts, leur mémoire, leurs conquêtes, leurs révolutions s’écrivent et se déplacent dans le temps et dans l’espace. Dans la métaphore (Et rose elle a vécu ce que vivent les roses/L’espace d’un matin) comme dans le réel (trois heures me séparent de Paris), il n’est de temps sans l’espace. Et peut-être est-ce à l’espace-temps que nous aurions dû convier nos contributrices lors de l’annonce du thème de ce numéro.

Cependant, rien n’est perdu : depuis la Carte Blanche que signe ici Annie Cohen, et ce Il était là-bas venu de son livre Géographie des origines qui enserre le temps et l’espace dans trois mots,

depuis les titres de certains textes, comme La vieille demeure arabe de Latifa Bensalem-Manseri qui projette le temps de ses ancêtres dans l’espace qui fut le leur,

ou Promenade au jardin du Luxembourg de Dominique Godfard, ou Périphérie de Brigitte Aubonnet, ou Au bord de la route d’Olivia Villon…

ou tous les autres où l’espace ne s’entend pas au titre mais se dit dans le texte, comme le hors sol métaphore de Orsolde Karima Berger dans son texte sur le livre de Cécile Oumhani,

dans toutes ces pages, écrites sur le temps, s’épelle, omniprésent, l’espace.

Est-il possible qu’il en soit autrement ? C’est une interrogation qui ne manquera certainement pas d’être au cœur des textes du prochain numéro sur le thème des lieux, mais sera inversée. Nous nous demanderons s’il est possible de parler des lieux – donc de l’espace – sans parler du temps.


[1] Qu’est le temps humain ? Lucy a quatre millions d’années ! L’espérance de vie mondiale moyenne est de 70,5ans ; 76 ans dans les pays riches, 65 ans dans les pays pauvres ; 25,9 au Sierra Leone et 33,5 en Ethiopie !

[2] Jours en arabe.

[3] Nuits en arabe

[4] Le temps en arabe

Behja Traversac

Carte blanche à Annie Cohen : Lettres et Arts

15

Le temps des absents Annie Cohen

17

Là où je suis François Barat

24

Conversation Annie Cohen, Marcel Rodriguez et François Barat

27

Carole Aurouet

42

Carole Aurouet dit le temps

48

Méditations dans un jardin Anne Rotschild

51

Un point c’est tout Dominique Vochelle

52

Mireille Vautier

54

Quel est le temps de peindre… Caroline Sagot Duvauroux

60

Je te donnerai la terre que tu auras arpentée Behja Traversac

67

Biographies des auteurs de cette carte blanche

71

Forum -Poème de Geneviève Briot

73

Femme fluide Françoise Martin Marie

74

Briser le silence Wassyla Tamzali

75

Variations sur le temps -Poème de Amina Saïd

81

Sac de temps Rosa Cortes

83

Périphérie Brigitte Aubonnet

89

Grammaire intérieure Keltoum Staali

99

Au bord de la route Olivia Villon

103

La sablier Hélène Pradas Billaud

109

Plus tard Bernadette Lazard

112

Le retour Anne Lanta

113

La reine mère Nicole Néaud

117

Le temps à l’œuvre Carole Menahem Lilin

125

Promenade au jardin du Luxembourg Dominique Godfard

131

Un éclat d’éternité Michèle Bayar

135

Le temps intarissable Sylvette Dupuy

139

Mama Simone Salgas

143

Une nuit à Saragosse Sigrid L. Crohem

147

Balade sur le temps Brigitte Prados

153

La mariée Anne-Marie Nahlovsky

159

L’absence l’inachevé Amina Saïd

163

Lignes de partage Cécile Oumhani

167

Il s’en va, le temps Anne Lanta

177

Du côté de l’enfance – Poème de Geneviève Briot

179

La boucle du temps Marie-Claire Gourine

180

Derrière le rideau… en ce temps-là Geneviève Roch

181

Gavarnie ou les rendez-vous manqués Jacqueline Jondot

185

Mémoire et Histoire – Poème de Geneviève Briot

193

Air du temps Françoise Bezombes

194

Odette du Puigadeau… Laurence Marfaing

197

Le temps cavale Jacqueline Herfray

206

Journal d’un projet Sylvette Dupuy

207

Allers et retours Elisabeth Trouche

215

La vieille demeure arabe… Latifa Bensalem-Manseri

223

Dossier Armand Gatti Céline Garcia

229

La clé sous la porte – Poème de M.W

243

Carnet de voyage en Algérie Cécile Oumhani

245

Poèmes de Georgina Rossetti traduits par Yvonne Libmann

254

À livres ouverts – Poème de Anne Lanta

259

Entière Marie-Noël Arras

260

Ninisse la petite berbère Fatima Kerrouche

261

Deux lectures de « Plus loin que la nuit » de Cécile Oumhani

262

Comme un lent naufrage par Karima Berger
Le cri par Dominique Godfard
L’arabe comme un chant secret de Leïla Sebbar par R.-P. Traversac

265

De haute lutte de Geneviève Roch par Sigrid L. Crohem

267

Une éducation algérienne de Wassyla Tamzaly, extrait

268

Articles de presse sur Le vertige du silence

270

Filiations dangereuses

271

Secret de famille par Cécile Oumhani

273

Partages – Poème de Geneviève Briot

275

Rencontre à Argeles

277

Rencontre à la Bibliothèque de Sidi-Bel-Abbès

278

Biographies des auteures

280

Illustrations :
Annie Cohen, Carole Aurouet, Mireille Vautier, Caroline Sagot Duvauroux, Catherine Rossi, Marie-Lydie Joffre, Antoine Helbert et autres photos coll. privées

Détails du livre

Poids0,3 kg
Dimensions2 cm
Auteur(e)

Collectif d'auteurs

Editeur

Éditions Chèvre-feuille étoilée

Avis

Avis

Il n'y a pas d'avis pour le moment.

Votre avis sur : Revue 33-34 – Entre temps

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *