Ma mère toute bue

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C’est un roman important par son thème et par la beauté de l’écriture. Valéry est une montpelliéraine dont l’écriture, forte, poétique et peut-être même violente, nous fait découvrir le monde à la fois dur et émouvant dans lequel baigne les deux personnages clés de son roman.

ISBN : 9782914467391 Catégories : ,

Description

C’est un roman important par son thème et par la beauté de l’écriture. Valéry est une montpelliéraine dont l’écriture, forte, poétique et peut-être même violente, nous fait découvrir le monde à la fois dur et émouvant dans lequel baigne les deux personnages clés de son roman. Face à l’alcool, une adolescente vit, avec sa mère, une descente aux enfers. L’instabilité et les déménagements successifs constellent la vie de la jeune fille de peurs multiples  Le style de Valéry est en parfaite adéquation avec les drames qui se jouent entre les deux femmes sans que jamais l’amour ne soit absent.

“ J’ai peur de ma mère comme du haut d’une tour. Peur qu’elle ne me fasse tomber dans une chute irréversible. J’ai déjà commencé de tomber.  ” C’est l’histoire d’une chute. Lente et irréversible. La déchéance d’un être en proie à ses démons.

C’est aussi l’histoire d’un amour éperdu. Celui d’une fille pour sa mère. Une adolescente qui, page à page, nous fait partager sa révolte, son désespoir et ses colères.

Une écriture coup de poing, haletante, percutante et si forte qu’on ne peut sortir indemne de la lecture de ce texte.

© Peinture Mili Presman 2005 (Je dois partir)

Détails du livre

Poids0,3 kg
Dimensions1 × 12 × 17 cm
Public

Ados, Adultes, Seniors

Format livre

Format PDF, Livre papier

Auteur(e)

Valéry Meynadier

Editeur

Éditions Chèvre-feuille étoilée

Extrait

« Laisse-moi vivre, maman, ta fille, Gabrielle et moi on n’en peut plus. Pitié ! Dispense-nous de tes baisers, je ne veux pas, je ne dirais plus de sottises, s’il te plaît, je suis moi, intégralement moi, rien que moi, personne d’autre. Vive ta bonne inconscience vieille branche, mais s’il te plaît, pas le baiser non. J’ai un grain, dis-tu, oui, en train d’éclore, le grain du temps qui ne passe plus.

Passe ton chemin.

Ne t’arrête pas,

ne me tends pas tes joues poreuses comme l’éponge.

Elle buvait, vomissait et son visage suivant la nuit qu’elle venait d’essuyer, prenait le pli bouffi de l’éponge et mes lèvres alors dans la lie du cauchemar… Tu ne m’inspires plus que dégoût, plus fort que moi, comme une crampe, une nausée incontrôlable et combien plus encore me dégoûte ce dégoût que je ressens pour ma mère. Et je pars en cours, chargée de mon double dégoût.

Bah, tu m’embrasses pas ce matin ?

La vérité, encore la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. La vérité. La vie me suffit, monsieur le juge, je le jure. Reprenez-là votre vérité.

Élève Gabrielle, levez-vous, vous êtes condamnée à redoubler à perpétuité !

Les gens comme ma mère, en vérité, vous permettent d’exister, vous pourriez être indulgents, ce sont des petites gens comme elle qui vous redorent le blason, les faibles, les fournisseurs de criminels en puissance. Tellement facile d’avoir envie de les tuer ces gens-là. Les alcooliques courent les antichambres, incapables de se suicider, ils implorent qu’on les suicide à leur place. Oui, je sais, vous n’y pouvez rien, l’irresponsabilité dont fait acte ma mère n’est pas répréhensible; enfin jusqu’à ce que délit arrive…

Accusée taisez-vous !

Juge, prof, semblable engeance, indécrottable.

À quoi bon vous dire que mettre un terme à ma mie sera plus facile que de subir sa lente décomposition ? »

« Le ciel se marbre de crépuscule.

Le train freine avec un bruit d’avion qui décolle.

Les tas de pierres sur le chemin attendent patiemment pour redevenir maison ou autre chose et moi,

moi,

je t’aime.

Je suis revenue à la tour. Pas le choix. Tu joues ton rôle de mère. Tu me dis de travailler à l’école. Je me fiche de l’école, petite mie. Je rétablis le silence avec Jean-Sébastien Bach.

Éteins moi ce crincrin et bosse bordel !

À l’embrasure de ma porte, elle joue la sans reproche, droite comme la Justice ! Je lui balance.

T’es fière de l’éducation que tu me donnes ?

Comment ça ?

Tu sais, je sais…

Je suis fatiguée Gabrielle, dis ce que tu as à dire.

Moi aussi maman, je suis fatiguée.

Le chapitre de la fatigue ! Ca y est, on y est encore. « Je suis fatiguée », c’était ma façon à moi de lui dire : reste avec moi, ne pars pas, aide-moi, j’entrave couic !

 Elle, invariablement : « je suis fatiguée » signifiait : j’ai bu ou je vais boire. Et elle repart, la tête haute, heureuse de la verticalité bienveillante des murs. Elle leur parle aux murs. Je l’ai surprise un jour dans la cuisine, eux les murs ils l’aidaient à se tenir droite, ils ne fuguaient pas, eux, ils avaient été érigés à la gloire des alcooliques abattus… Tu en tenais une sacrée ce jour-là… et je ne valais pas un mur. Partait, revenait, se tenait là dans l’embrasure, me fusillait.

Vas-tu te mettre au travail à la fin !

Je m’adosse contre le mur.

Qui tient qui ?

Je sais pourquoi l’homme tue devant un mur. Je suis ce mur. Je m’effondre. Partait, revenait.

Gab, je suis fatiguée de bourlinguer pour toi. À ton âge, moi, je travaillais, j’étais serveuse pour payer mes études. C’est là, tiens, malheur, que j’ai rencontré ton ruffian de père. T’es comme lui, t’as la cosse on dirait.

Mie, laisse-moi tranquille, je suis fatiguée. Je te demande rien. Cette semaine, j’ai fait la manche dans le métro et avant j’étais chez Eléo !

Et tes études, hein, qui c’est qui les paye et pourquoi ? Tu peux me le dire ?

C’est pas de ma faute si on déménage tous les ans.

Partait, revenait.

Travaille ton bac au moins.

Bac ! bac ! T’as que ça à la bouche !

Je te paye une école privée pour la gloire !

Moi, c’est BACH, merde à la fin ! C’est toi, qui m’a amené à la musique, t’as oublié, je parie, « la partita n°2 » de Bach, ça te dit quelque chose ?

Tu me fais peur avec ta musique. Si demain, je disparaissais, t’irais chanter dans le métro ?

Pourquoi pas, Zouzou dans le métro, à la Schwarzkopf, plaît-il.

Si je t’offrais des cours au conservatoire, t’irais ?

À quel prix, mie, laisse tomber, j’en ai marre de ton fric.

Qu’est ce que tu insinues Gabrielle ? J’ai des amis, c’est tout, tu les connais d’ailleurs. Je me cultive avec eux, c’est tout, j’aime moi aussi la musique classique, qu’est-ce que tu crois, on va au concert, c’est tout.

Et pourquoi alors tu rentres ronde-défoncée ?

Merdeuse, petite merdeuse, t’es méchante, tu vaux pas un clou !

Dégage de ma chambre, dégage ! tire-toi de ma vue, de ma vie !

D’une pâleur insigne, tu recules, le mur te fait une révérence, la rage m’étrangle. « Méchante » dis-tu si doucement,

« méchante » qu’elle répète Céleste si doucement que c’est déjà une caresse qu’elle me fait. La honte m’étrangle. J’ai envie de sauter par la fenêtre. Mais tu sais que je sais, tu sais que je t’ai suivie. Saoûle comme une tique, tu m’avais parlé de ton « Lopin de repos », avenue des Minimes, à Vincennes. Le lendemain, j’y suis allée, tu sais. Ma verticalité en a pris un coup, moi qui rêvais de jeter la tienne aux chiens. Tous les murs se sont effondrés d’un coup. Cachée derrière un marronnier, bâillon d’écorce contre mes lèvres. »

« Je ne saurais jamais plus la vérité.

Tu ne me diras rien.

À moi de devenir la vérité.

Et ma vérité est du côté de la beauté : ma mère était belle, ma vérité sera belle.

Mes yeux se penchent au-dehors, j’assiste au vert du printemps à l’assaut du paysage. Le vert se lâche, prolifère, se répand dans toute la nature. Vert boudeur qui ne laisse rien passer, vert métallique qui fait du tapage nocturne, vert qui bondit de rocher en rocher, rugissant jusqu’au ciel, où tes yeux m’attendent, ma mie, car tu as des yeux d’un vert jade exceptionnel et si je me regarde dans le miroir, ce sont tes yeux que je vois, nous avons le même vert, et j’en suis fière.

Ma vérité a la couleur de tes yeux.

J’ai rêvé cette nuit, que tu tombais par la fenêtre. Tu ne tombais pas dans le vide mais dans la nature infinie. Le vide, une invention, ma conviction.

Le vide est l’œuvre des machines pneumatiques, elles aspirent l’air jusque dans ses derniers retranchements. La mort redonne l’air à la nature. Je le sais, cette nuit, je t’ai vu expirer tout ton soûl, un grand ouf magnifique.

À mesure que tu tombais, mon regard se rapprochait comme une loupe. En bas, je t’attendais. Ton souffle et ton cœur continueront, ma mie, loin de toi, en moi et pour longtemps, voilà la vérité.

La mort nourrit l’air, ma conviction. La mort d’un être aimé n’arrête rien. »

Article

Alcool, mère et fille

Par Caroline Brizard

C’est vrai qu’elle l’aime, sa mère, elle l’aime à corps perdu, «sa mie d’amour», éthylique, prostituée et manipulatrice. L’adolescente a peur pour elle, souffre pour elle, épouse malgré elle ses angoisses et sa lâcheté. Aspirée par sa misère, guettant ses marques d’affection.

Le texte de Valéry Meynadier cogne comme un cœur qui fait mal, mots jetés, malmenés, dérangeants, pour décrire cette relation folle qui fait la pâte même de son être. Mère alcoolique et fille si étroitement nouées ensemble qu’il faut que la première meurt pour que la seconde puisse espérer vivre. Mais se sauve-t-elle vraiment ?

C. B.

Critique de Martine Roffinella

 

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