Chaque pas que fait le soleil

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Chaque pas que fait le soleil
Chaque pas que fait le soleil

Huis-clos entre deux personnages. Elle est otage. Il est gardien.

ISBN : 9782367950891 Catégories : , ,

Description

Huis-clos entre deux personnages.
Elle est otage.
Il est gardien.
Elle lui demande du papier pour écrire.
Entre eux va s’établir un dialogue.
Au centre de ce dialogue, l’humain, simplement.
Au-delà du mal.
On retrouve ici la force de l’écriture.
Celle qui repousse les limites de l’enfermement des hommes dans leurs convictions.

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Détails du livre

Poids0,078 kg
Dimensions0,71 × 11 × 18 cm
Public

Ados, Adultes, Seniors

Auteur(e)

Maïssa Bey

Editeur

Éditions Chèvre-feuille étoilée

Critique

Critique d’Hafid Adnani, BRTV

Maïssa Bey à huis clos

À travers sa pièce de théâtre « Chaque pas que fait le Soleil » mise en scène par Yves Bombay à la Comédie de Saint-Etienne en 2006, Maïssa Bey n’apporte pas moins qu’un éclairage indispensable à notre réflexion sur les drames actuels du monde. 
Une question certes classique mais lancinante se pose et s’impose au sujet de la place de la littérature dans nos vies : l’œuvre littéraire a-t-elle un rôle ? Quel pouvoir pourrait-elle avoir sur notre monde, et finalement à quoi sert l’écrivain ?
Même si la beauté, comme l’écrit Théophile Gauthier dans la préface de « Mademoiselle de Maupin », et la création doivent de concert se refuser à toute idée d’utilité, même si l’émotion suscitée par un texte peut se suffire à elle-même, il n’en demeure pas moins que la littérature parle souvent de nos vies, qu’elle peut nous donner surtout accès à la connaissance de l’Autre, et par conséquent avoir pour vertu de nous changer si possible à travers, en particulier, l’expérience de l’altérite et de la remise en question de nos présumées certitudes. La littérature peut aussi avoir fonction de témoignage, en mettant en scène la vie des femmes et des hommes avec leurs complexités et leurs vicissitudes intemporelles, ou compléter quelquefois de manière magistrale le travail de l’historien en explorant avec force de détails nos univers intérieurs dans une période donnée de l’Histoire de l’humanité. Les textes littéraires qui ont ces vertus sont certainement ceux qui marquent l’histoire de la littérature et donc ceux qui restent. On peut citer en exemple « Nedjma » de Kateb Yacine, « l’Homme sans qualités » de Robert Musil, « La colline oubliée » de Mouloud Mammeri ou « Germinal » de Zola…
Il vous sera impossible de ne pas ébaucher sérieusement une première réponse à cette question cruciale sur la littérature dans nos vies, après la lecture de la pièce de théâtre de la talentueuse écrivaine algérienne Maïssa Bey, intitulée « Chaque pas que fait le Soleil » et publiée aux éditions qui portent le nom poétique de « Chèvre-feuille étoilée ».
En effet, Maïssa Bey (comme les éditions « Chèvre-feuille étoilée » qui défendent à juste titre une certaine écriture féminine) apporte une note exceptionnellement lucide, troublante de vérité et de justesse à la réflexion nécessaire aujourd’hui sur un monde en proie aux radicalisations et à la mort, dans un élan d’autodestruction qu’engendre sans doute l’aveuglement à l’Autre et l’impossibilité de l’émergence du sentiment d’empathie en chacun de nous.
En sortant de cette lecture, on est conforté dans l’idée que seul l’écrivain possède la sensibilité qui lui permet de prendre ce temps d’explorer le dedans et le dehors des femmes et des hommes (tout en restant conforme si nécessaire à l’œuvre de l’historien, qui lui décrit les événements et les lieux) afin de nous donner à comprendre et à réfléchir sur ce qui arrive, qui est arrivé ou qui peut arriver à notre monde.
Assurément, l’écrivain (l’écrivaine ici) est le mieux (la mieux) à même d’appréhender la complexité inhérente aux êtres que nous sommes, en s’introduisant dans notre profondeur intime, pour faire jaillir une vérité : celle de l’humain plongé (et prisonnier) dans un certain contexte, mais en même temps acteur et premier responsable des tournures parfois tragiques que prennent les événements.
On ne le sait que trop bien : Maïssa Bey est un Ovni à nos yeux. Née à Ksar Al Boukhari (en Algérie où elle vit toujours), dans un contexte forcément plus hostile à la littérature et à la femme que par ici, elle se nourrit toutefois et forcément dans le même temps de ce vécu et nourrit ainsi à son tour une œuvre littéraire diversifiée, de très grande qualité, cohérente et construite sur le temps. Elle fut, elle est l’auteure de « Au commencement était la mer » en 1996, (une grande découverte pour le lecteur) publié aux éditions « Marsa », et affirmait déjà par ce premier roman puis par les œuvres suivantes une volonté de fer d’exister à travers la littérature, de faire exister la voix d’une femme algérienne au plus haut niveau.
Avec « Chaque pas que fait le Soleil » , titre emprunté sciemment à Paul Valéry, Maïssa Bey nous donne la preuve, après notamment les derniers drames que nous avons connus à Paris puis à Copenhague, que la littérature peut aider à mieux comprendre des phénomènes très difficiles à appréhender d’une manière juste et surtout utile, pour les prisonniers que nous sommes de simplifications médiatiques excessives et parfois aveuglantes.
C’est un huis clos à deux qui n’est pas sans en rappeler un autre, celui d’un enfer qui est ailleurs que dans l’enfermement et la torture physique, un enfer que l’Autre construit pour nous par sa méconnaissance totale et donc son refus de ce que nous sommes. Une femme et un homme. Elle pourrait être sa mère. Elle est journaliste et on est tenté de dire avec douleur qu’il n’est « rien » a priori dans la société et dans le monde (et c’est bien le cœur du problème), sinon un geôlier comme un autre, qui n’a donc même pas de nom, et qui est passé du côté périlleux d’une barrière. Cette barrière délimite notre appartenance à un monde convenu, encore vivable, dans lequel le bonheur et l’espérance sont possibles, dans lequel nous pouvons tout simplement avoir une place, une voix et le droit de crier et de dénoncer, le droit de défendre sa liberté et celle des autres. Le devoir d’exister à travers l’indispensable figure de l’Autre qui permet d’être soi.
Le côté de la barrière auquel appartient ce geôlier jeune et encore hésitant (c’est l’espoir qui est enfoui tout de même en lui) mène, selon toute vraisemblance, à la destruction de soi et de l’Autre, aux ténèbres et à la fin des Hommes. C’est une cassure entre deux mondes si difficile à recoller : « Quoi ? Je pourrais…vous ressembler ? Vous singer ? Franchir la ligne ? Qui ? Vous pouvez me le dire ? Je pourrais dire….vous dire quoi ? Ce que je sais du monde ? »
Le jeune geôlier est ce destructeur que nous avons collectivement mis dans la fosse aux lions et qui annonce l’inéluctabilité de l’enfer parce qu’il ne connaît rien d’autre : « Elle se cache le visage avec les mains. Tant de Haine…Tant de souffrance…. » 
Elle décide d’écrire pour la première fois un roman, une histoire d’amour, de créer, de faire littérature. Il lui fournit un crayon et une feuille, car c’est si simple pour lui. Il y a déjà une avancée dans l’espoir dans cet acte qui les rapprochera. Les rapprochent encore davantage les lectures qu’elle va lui faire de son histoire contre vents et marées, dans un endroit ou d’autres auraient cédé a la folie et a la mort. C’est son acte de résistance à elle. Et chaque pas que fera le soleil au milieu de ces ténèbres constitue une nouvelle forme d’espérance.
Elle lui raconte dans un rite quotidien qu’il accepte sur la pointe des pieds tout en continuant de lui révéler un monde qu’elle ignore à son tour : celui de la désolation et de la destruction qui est le sien.
Elle raconte inlassablement les fleurs, la beauté, le cœur qui bat pour l’Autre, l’amour dont il ne sait rien. Progressivement, avec les coups d’éclats que l’on peut imaginer, la violence qui ressort et la difficulté de bâtir un pont entre deux personnes que tout sépare : « Je ne comprends rien à ce que vous dites…Vos mots… Les fleurs, le soleil, le printemps… en quoi vous parlez ? », Cette construction semble, malgré tout, se faire pour le sauver et donc nous sauver collectivement.
La littérature apparaît alors comme plus forte que les armes, plus forte que la violence brandie par ceux qui sont « au dessus », dans le monde immédiatement extérieur, auxquels ce geôlier sans existence obéit, et qui ont décidé de la priver elle, de sa liberté et peut être bientôt de sa vie.
Cette pièce de théâtre, autre expression de la littérature, décortique une réalité aussi proche et tout aussi complexe que celle à laquelle est « naturellement » sensible Maîssa Bey à plus d’un titre : le passé colonial de l’Algérie, la guerre de libération, l’indépendance « confisquée » qui finira par aboutir à la guerre civile et à nouveau la mort, la longue lutte en tant que femme pour une reconnaissance par le pouvoir en place et par une société d’une grande richesse humaine, mais qui peine à évoluer, telle qu’elle fut peinte par l’écrivain Rachid Mimouni dans son dernier roman intitulé : « La malédiction »… L’engagement contre l’obscurantisme islamiste qui poursuit son chemin jusqu’au-boutiste et destructeur avec la nébuleuse djihadiste qui a frappé durement la France et l’Europe récemment, engendrant notre sidération et la nécessité de l’action pour chacun…
Mais il faut préciser que le champ du texte est ouvert, dans le temps et dans l’espace. Il n’est pas spécifique à la montée récente du djihadisme mais il ouvre par sa structure sans références particulières, sur un monde où les conflits, les violences et les incompréhensions se sont solidifiées, où les fossés se sont creusés entre les humains malgré les nombreuses leçons de l’histoire, y compris la plus récente.
Maïssa Bey nous donne à réfléchir, à appréhender ce que nous ne pouvons parfois pas faire naturellement, à comprendre sans doute aussi pour mieux vivre et combattre la barbarie ambiante à travers la littérature comme son personnage féminin, piégée sans doute par son ignorance du mal qui l’entoure, mais détentrice d’un message et d’un espoir à travers l’écrit qui est destiné, lui, à rester.

Hafid ADNANI
Gif-sur-Yvette, le 18 février 2015

 

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Revue éditoriale

Un texte humainement émouvant, d’une actualité urgente, d’une beauté et d’une finesse littéraire limpide…
Yves Bombay, metteur en scène