Algérie, ma déchirure

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Algérie, ma déchirure -Éditions Chèvre-feuille étoilée
Algérie, ma déchirure -Éditions Chèvre-feuille étoilée
Verso

Paru en Juin 2021 |

Alger, Oujda, Oran, Portsay… une ballade qui nous transporte dans un voyage insolite. Les personnages peu communs qui ont jalonné la vie de l’auteure, appartiennent à une frange de la société rarement évoquée par les historiens ou les sociologues. C’est dans une langue légère, poétique, que Behja Traversac ouvre, ici, les voies de l’intime lorsqu’il tend à l’universel.

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ISBN : 9782367951485 Catégories : , , , , Étiquettes : , , , , , , ,

Description

Alger, Oujda, Oran, Portsay… une ballade qui nous transporte dans un voyage insolite. Les personnages peu communs qui ont jalonné la vie de l’auteure, appartiennent à une frange de la société rarement évoquée par les historiens ou les sociologues. C’est dans une langue légère, poétique, que Behja Traversac ouvre, ici, les voies de l’intime lorsqu’il tend à l’universel.

Illustrés d’aquarelles en couleur de Catherine Rossi qui a longuement arpenté cette terre, ces textes nous parlent d’une Algérie empreinte d’ombres et de lumières, tendre et violente, dans laquelle se tressent passé et présent.

Préface de Denise Brahimi

Alger, de mes enfants, mes amours, dont tu seras toujours l’ancre. Tu fus la nacelle de leurs premiers pas et de leurs premiers mots. Rien ni personne ne peut effacer leurs noms de tes rues.  Ni les ostracismes, ni la bêtise, ni les égratignures… ni le temps, ni l’éloignement. […] Pourtant, c’est chez toi qu’ils sont passés au-delà des murs du racisme. C’est toi qui leur as donné ce regard ample d’enfants du monde qui ne voient ni les couleurs de peau, ni les identités figées, ni les idées sans retour. C’est en toi qu’ils ont acquis la force de l’interrogation, la force du doute, la force de l’amour des autres. Ils t’aiment, Alger, ne les abandonne pas.

Détails du livre

Poids0,280 kg
Dimensions,9 × 14 × 21 cm
Format livre

Format PDF, Livre papier

Public

Ados, Adultes, Seniors

Auteur(e)

Behja Traversac

Editeur

Éditions Chèvre-feuille étoilée

L'illustratrice

Catherine Rossi est aquarelliste. L’architecture des villes et les jardins sont ses sujets favoris. De ses voyages (Algérie, Maroc, Égypte…) elle a rapporté des carnets où se mêlent écriture et dessins. Le témoignage de l’aquarelle entraîne vers la poétique des lieux. Alger s’y prête à merveille, sous l’éclat de sa lumière et l’enchantement de sa baie.  Elle a publié chez Chèvre-feuille étoilée et chez des éditeurs algériens : Dalimen et Casbah. Et a collaboré aux revues Étoiles d’encre et El Qantara (Institut du Monde arabe) ainsi qu’à des ouvrages collectifs.

Interview

Radio

Marque-Page – Chronique littéraire – Radio Clapas

Avis

10 avis pour Algérie, ma déchirure

  1. Marie-France Gibert Baillet

    Mon commentaire sur le contenu textuel d’un livre me touche de si près, est si parfaitement exprimé dans une écriture facile et parfaite, que j’y consacrerai une autre page ; pour l’instant je voudrais concentrer mon commentaire à la perfection d’une mise en page parfaite.
    Les polices variées pour les chapitres, la mise en page avec inclusion de textes et poèmes est déjà d’un très grand attrait, mais l’illustration talentueuse de l’ouvrage, en fait à elle seule un véritable tableau composé.

    Toute l’Algérie est là sous nos yeux de la première à la dernière page. Le lecteur est déjà subjugué avant même de lire. Les dessins ont la légèreté de cet air d’Algérie qui manque tant à ceux qui ont quitté ce pays de leur cœur. Ils en ont aussi les couleurs, les bleus, les ocres, le blanc éclatant, le vert des palmiers et même le brouillard matinal sur la mer, une splendeur. Les algériens sont là aussi dans leur si grande diversité.
    C’est un « livre-tableau » qui nous est présenté. C’est très beau. Merci.

  2. Maya Ravéreau

    Quel magnifique hommage à un pays inoubliable dont Behja Traversac et Catherine Rossi savent si bien rendre l’atmosphère, tous les enfants et les passants de cette ville pourront en témoigner. Hommage aux gestes quotidiens d’une culture dont Behja Traversac nous fait goûter le miel. Hommage à une femme, la mère, fière et indépendante, à l’inverse des poncifs visant à décrire la femme musulmane comme une éternelle mineure. Hommage au père si aimant et si digne, hommage à la famille, malgré les douleurs inévitables, hommage à un homme venu de loin qui a su comprendre et aimer un peuple d’adoption. Tristesse et inquiétude, mais aussi, espoir. Voilà tout ce qui me plaît dans ce livre et bien plus encore, impossible à traduire en mot. Merci Behja Traversac de nous avoir transportés dans de si subtiles sphères, merci Catherine Rossi d’avoir fait vibrer l’âme des lieux d’une autre manière, les deux approches artistiques se répondant comme le texte d’une chanson accompagné de sa musique.

  3. Hélène Pradas

     » Algérie, ma déchirure » est d’une délicatesse infinie, à l’image des aquarelles de Catherine Rossi.
    Il est un livre mozaïque de la vie, de celle qui est vécue, de celle dont on se souvient.
    Un livre de la présence-absence. de l’ancrage-exil.
    Il parle du temps et il est traversé d’éternité. Au-delà de l’histoire de Behja Traversac, il parle de l’Histoire : des femmes, des engagements, des défaites et des courages.
    Il parle de l’amour, à chaque page. L’amour d’Alger, de l’Algérie, de la famille des parfums, des couleurs et tant d’autres.
    Il est un livre de « naissance » car il parle d’enfance. Un livre de « renaissance » car il évoque l’universel, le lien des femmes entre elles.
    Le personnage de Fatima, de la mère et la soeur de Behja Traversac apparaissent dans leur dignité immémoriale, dont l’obscur du monde révèle la lumière.
    Il y aurait beaucoup à dire encore de cette « déchirure » que je perçois comme une rive. Rive arrachée, perdue, noyée mais d’un tel horizon, mais d’une originelle et si belle maison.
    Hélène Pradas Billaud

  4. Nic Sirkis

    J’ai lu, aimé « Algérie, ma déchirure » – qui m’a beaucoup émue – et découvert dans ces « fragments de vie » des pans de la personnalité de Behja que je ne connaissais pas, que je n’avais pas pris le temps de connaître, lors de nos rencontres sur les stands Chèvre-feuille étoilée des salons littéraires…

    Le passage du livre qui m’a le plus déchirée d’émotion, c’est celui sur la mère de Behja. Tout d’abord, en voyant sa photo, j’ai cru qu’il s’agissait du portrait de Behja, quand elle était plus jeune : on croit reconnaître l’architecture de ses traits dans le port du menton, légèrement relevé, dans le sourire retenu aux lèvres fermées, dans les yeux noirs qui semblent amusés par ce qu’elle devine de l’autre en face d’elle, par le regard, sous les fins sourcils, contenant un monde intérieur plein de défis.

    Quelle femme extraordinaire sa mère, Laïla de la tribu des Ouled Naïl ! (C’est drôle, je suis en train de lire Le lièvre de Patagonie, les Mémoires de Claude Lanzmann. Il y raconte, entre mille aventures, son voyage en Algérie avec Simone de Beauvoir dans les années 50 : quelle surprise de tomber sur son évocation de la grandeur des Ouled Naïd qu’ils ont rencontrés et qui les a émerveillés !) Quelle volonté, quelle détermination, Leïla, cette féministe d’avant que ledit ‘féminisme’ touche le Maghreb !

    Le père, la mère de Behja se sont entendus pour la nommer – à une consonne près : le ‘d’ – du nom que les Algérois utilisent pour glorifier la beauté de leur cité : « El Behdja » (cette appellation qu’elle cite page 29). Ce n’est pas rien d’être lancé dans l’existence avec, comme fée tutélaire, « El Behdja », la ville blanche pour veiller sur elle ! Cette ville – El Djazaïr – où je suis venue, enfant, aux printemps 1968 et 1969 (comme je l’ai raconté dans le numéro 45/46 « L’Etranger » d’Étoiles d’Encre) et où j’aurais été si heureuse de rencontrer Behja dès cette époque-là !

    J’ai souri à l’évocation de l’expression de sa grand-mère : Je versais un tapis sur le sol. Car, alors que je parcourais les chapitres d’Alger, ma déchirure, il me fallait m’interrompre régulièrement pour tirer, tourner, retourner, pour faire le faire sécher, mon grand tapis afghan transformé en éponge gorgée d’eau de pluie par l’orage qui a inondé fin juin ma chambre en sous-sol, comme déjà en 2014… ainsi que je le raconte dans Solde de tout conte. En suivant la courbe du soleil qui daignait apparaître entre deux averses, je versais mon tapis sur les carreaux de ma cour, le déplaçant selon les rayons de l’astre capricieux ! Son aïeule aurait bien ri de me voir m’acharner à verser et reverser ce tapis sur le sol !

    Une autre coïncidence qui fait résonner l’actualité avec Alger, ma déchirure : j’avais entamé ce livre la veille, quand je suis allée au cinéma voir Sœurs, sorti le 30 juin. Ce nouveau film de Yamina Benguigui – qui peint la déchirure de trois Franco-Algériennes entre deux cultures – m’a bouleversée : Rachida Brakmi, Maïween et Isabelle Adjani, les trois protagonistes, retournent à Alger à la recherche de Rhéda, leur petit frère enlevé par leur père trente ans plus tôt. Dans le pays de leurs racines, elles sont brutalement confrontées au « Code de la Famille » – le code de l’infamie dénoncé par Behja dans le pénultième chapitre – mais y découvrent aussi, à cette occasion, l’« HIRAK » des nouvelles générations qui défilent dans la rue. Le long métrage s’achève comme Alger, ma déchirure sur une note d’espoir quand les sœurs rejoignent avec énergie le cortège algérois coloré !

    Merci, Behja d’El Behdja pour ce livre qui enlace fougue et mélancolie, poésie et nostalgie en réveillant les fantômes qui ont enchanté ta vie !

    Paris, le 4 juillet 2021, Nic Sirkis

  5. Chantal Rateau

    Je viens de refermer « Algérie, ma déchirure », avec regret. Je sais que j’y reviendrai pour m’imprégner de la poésie fulgurante de certaines pages, pour y puiser cette « joie-souffrance » surgie de la nostalgie des souvenirs teintés de mélancolie, qui sont autant d’îles éparses sur la mémoire océane de Behja Traversac. Un écho à ce que j’éprouve pour ce pays, cette ville, que je n’ai jamais cessé d’aimer. M’ont particulièrement touchées les pages sur le père, cette grande présence-absence qui habite encore l’orpheline, les pages lucides et terribles sur les espoirs fous, les révoltes de cette jeunesse algérienne muselée, désespérée, qui fait entendre sa voix aujourd’hui au travers de l’Hirak. Les pages aussi, glaçantes, sur la rencontre fortuite avec cette masse aveugle et hurlante qui annonçait la décennie noire. Et puis, et puis, l’enfance lumineuse, la tendresse d’une fratrie, la personnalité fantasque et libre d’une mère hors normes, véritable icône. Des mots si justes pour dire tout cela. Enfin, quelques photos émouvantes, et de magnifiques aquarelles, tout en finesse et en couleurs subtiles pour chanter Alger l’éternelle, El Behdja…
    Un très beau moment de lecture. Merci, Behja.

  6. Marie-France GIBERT BAILLET

    Quand Behja Traversac, écrit dans la préface de son admirable livre « Algérie, ma déchirure », qu’elle ne fait, en aucun cas, une biographie, c’est vrai, puisque c’est d’abord l’Algérie qui compte, qui est décrite et dont elle parle de bout en bout ; mais elle dit également qu’Alger, l’Algérie, l’ont complètement envahie, qu’elle est complètement ce pays, ce que son titre pressent déjà ; alors là, la donne change pour le lecteur !
     
    Chaque description, chaque beauté des paysages et des lieux, chaque poème élégiaque qui sourd des beautés ambiantes, du temps et des saisons, chaque poème lyrique qui naît d’un souvenir aussi petit soit-il qu’un jujube ; c’est elle !
     
    Chaque révolte, chaque personnage héroïque évoqué dans la mère « chance infinie », chaque nom de rue ou lieu d’une enfance scolaire aimée, chaque gloire de Victoire, c’est elle !
    Chaque révolte, chaque menace pressentie et vue dans « les barbes noires », chaque « misère, rancœur, blessure, refus ou rage », c’est encore elle !
     
    Elle est Alger, elle est l’Algérie dans toute son insécable beauté, dans toute sa diversité, dans toutes ses contradictions.
     
    Elle est le lever et le coucher de soleil de sa magnifique illustration, elle est ces chants d’écoliers mâtinés de français et de dialectal si pleins d’espoir.
     
    Mais elle est aussi la souffrance de l’exil, le désespoir de celle ou celui qui acculé au départ se sent comme un « voleur qui vole son propre rêve » !
     
     C’est, en fait, la meilleure biographie que je n’ai jamais lue depuis longtemps, celle où en parlant de soi on parle des autres, où en parlant des autres on parle de soi, où en personnifiant son pays jusqu’en être son complet reflet, on permet au lecteur de se l’approprier aussi pour un superbe temps de lecture.
    Merci

  7. buresi nicole

    J’ai adoré ce livre de Behja Traversac, un hymne au pays perdu, un chant d’amour pour ses habitants et ses paysages, une complainte sans complaisance, une peinture pleine de délicatesse, superbement illustrée par les aquarelles de Catherine Rossi. J’ai eu du mal à le refermer et il exerce encore en moi son charme particulier.

  8. Rachel Rita COHEN

    Behja,
    El Behdja. Comme tu l’écris p.29. « Nom donné à Alger par ses habitants pour glorifier sa beauté ». A une lettre près Behja. Ton prénom dans Alger signe Algérie Beauté. Quittée. Déchirure. Oui. Et aussi confection de la pâte. La Fabrique. La Femme.
    La femme que tu es. Une femme a ouvert le chant peut-être. Ta mère. Laïla. « De la tribu Ouled Ghouini une fraction des Ouled Naïl grands propriétaires terriens ». Cette femme a dit NON. En majuscules tu l’écris Behja. Cette femme, son chant a ouvert peut-être le champ. LIBRE.
    Alger ta ville. Tu n’es pas née à Alger mais Alger est ta ville. Alger de ta grand-mère, « el boulevarrd comme elle disait ». Tu l’écris, je l’entends rouler les « r ». Tu écris les « maisons à patios et fontaines », je les vois. Tes mots sont aquarelles Behja. Et les aquarelles de Catherine Rossi-Legouet m’enchantent, me font rentrer dans le livre. Ton livre Behja. Ton Algérie. Ton Alger. Ton amour. Les sens tous les sens sont en éveil. « La peau de ce pays » tu écris. « On ne part pas de toi, Alger, on s’arrache. On se déracine ». Les odeurs jasmin. Les couleurs bougainvillées …
    Et puis .. Et puis … Lieu de la déchirure. La dépossession. C’est le mot que tu écris Behja. Et dans les fils de l’écriture, le canevas, se tissent les mots « Tu disais, tu disais … Lieu… Lieu de … Et s’ouvrent les lieux pour le dire » c’est comme ça que tu écris Behja. Et puis ces « plus jamais » … L’absence, l’absence du père.
    Et puis les mots. Les mots de René-Paul, ton époux. Qui a aimé ce pays. L’Algérie. Et les habitants. Les Algériens. Lui qui n’était pas d’Algérie.
    Et puis La Fabrique du Livre peut-être. P. 128.
    « Question : Pourquoi les murs servent-ils à humilier et les puits à mourir ? N’est-ce pas pour abriter les vivants et leurs mémoires que s’érigent les murs ? Et, bien avant Agar et Ismaël, n’est-ce pas pour étancher la soif que se creusent les puits ? »
    Et puis partir et tout laisser. Tu as décidé. Décidé de décider. Et tu as sauvé. Tout. Rien. « Rien et pourtant tout ». C’est comme ça que tu écris.
    Ta Voix. Pour dire. Algérie, ma déchirure. Un poème. Ton chant Behja, je ne peux que l’aimer.
    Rachel Rita Cohen

  9. AVON Marcel

    Quel plaisir de retrouver Behja à travers ses poèmes si profonds, en compagnie des aquarelles qui les illustrent, aux couleurs évocatrices de nos « là-bas ».

    Cette lecture m’a permis d’entendre d’autres sons, un vibrato où j’ai trouvé des cousinages avec Garcia Lorca, une partition où la mélodie d’une écriture souple, subtile et sensuelle est soutenue par un tempo à angles droits faisant penser aux cadences énigmatiques et cartésiennes du Boléro.

    Bien sûr, j’ai retrouvé cette atmosphère de la Cour de Grenade qui m’avait accompagné lorsque que j’ai dévoré la narration du côté de l’enfance dans la maison, où apparaît, impressionnant de noblesse, la photo du portrait du père en majesté, puis le récit aux accents presque anthropologiques de la vie familiale, si forte, si riche dans la vie quotidienne comme dans le cérémonial des fêtes, à travers les personnages féminins de la parenté, les séjours de vacances à la mer qu’elle pourrait faire paraître presque anecdotiques, les « évènements » battant derrière les murs, mais rappelés par des mentions sèches et glaçantes comme j’ai entendu W.Tamzali en évoquer de personnels dans l’émission de France Culture qui lui était consacrée.

    En ces temps proustiens, Behja ne peut empêcher la référence avec la déchirure en fragments qui complète le sujet titre.

    J’y ai vu dans cette histoire d’un pays faite de bruits et de fureurs (et écrite par un idiot comme dirait le vieux Bill), la mémoire d’un témoin direct qui se souvient de ce passage qu’a été sa vie, du temps passé au temps retrouvé, et en rapporte dans la saveur de son style, l’image d’une béance entre deux rives, agitée d’eau salée, amère, iodée, vivifiante et qui donne soif, plaie, sans doute douloureuse, mais confiante dans l’inéluctable cicatrisation.

    Une écriture ascensionnelle comme ces nuages qui transportent vers le haut…

    • mano

      Merci Mr Avon pour ce magnifique commentaire. Espérons qu’il donnera envie à d’autres de lire ce livre !

  10. mano

    Michèle Perret 19 février 2022
    C’est à cette terre « où la véhémence de la lumière s’accorde à la véhémence des hommes » , une terre dont on ne s’arrache qu’en se déchirant que, sur le second versant de sa vie, Behja Traversac adresse ce chant d’amour dans un livre baigné de lumière, comme l’est ce pays lui-même, que les aquarelles de Catherine Rossi font revivre ici dans sa plus grande beauté. Un chant poignant et pourtant si léger, si pudique : dans ce patchwork de textes d’un lyrisme incontestable, si peu de plaintes, si peu d’évocations de la souffrance, y compris la première de toutes, celle de l’arrachement : c’est une très grande dame, une « seigneure », si l’on me permet ce néologisme, qui s’exprime ici pour évoquer « Comme un amour qui ne vieillirait jamais, comme les rêves qui n’en finissent pas de finir ».
    Le livre, on l’aura compris, est composé comme une mosaïque de textes, apparemment autonomes, mais qui se renvoient les uns aux autres et jouent les uns sur les autres, c’est pourquoi il est si difficile de rendre compte de cette continuité. Alger d’abord, dont « on s’arrache, on se déracine, on s’exile » et où résonnent encore les voix mêlées multiples de Momo, Kateb, Issiakhem et Camus et Dib et Charlot… celles de Hassiba, de Zohra, de Ghamia, de Abane et de Benm’hidi. Alger lumineuse des poètes et des combattants. Déjà, Behja Traversac reste dans la lumière, peu, si peu de reproche sur ces événements qui ont pourtant été cause de la déchirure : « pour ne pas t’en vouloir, pour ne pas te haïr, je traquais les souvenirs heureux »
    Puis Behja revient aux origines, cette mère, surtout, l’insoumise, fière d’être issue de la tribu des Ouled Naïls, et demandée par un bachaga d’une tribu de l’ouest, belle jeune fille qui part vivre à huit cents kilomètres de chez elle, à Maghnia, à la frontière marocaine. Entre tradition et modernité, l’aventure de cette jeune femme étonne : elle sut imposer à son mari qu’il la laisse s’installer dans la ville voisine, Oujda. La jeune femme était riche ce qui lui permettait sans doute une certaine indépendance, mais quel caractère, quand on imagine le poids de la tradition, vers le milieu du XXe siècle ! « Elle s’engouffrait dans chaque interstice encore vacant de règles et d’interdits ». Cette liberté presque inimaginable ne peut qu’être transmise et elle vibre dans les choix et les mots de la fille.
    La famille passait les étés à Portsay, le paradis d’enfance et de jeunesse, parmi les pins d’Alep, au bord de la mer, « moments… d’innocence absolue », « un temps mythique, à l’abri du malheur qui frappait ailleurs ». Autant que la forte personnalité d’une mère, cette expérience du bonheur d’enfance et de jeunesse forge un caractère. « Ce lieu qui ne se morcelle pas, qui est tout en chacune, en chacun, tu disais… ce lieu demeurera à jamais écrit dans le temps de nos vies. »
    Déroutante encore, cette mosaïque de texte suit un ordre capricieux, pas toujours chronologique.
    La douceur du père ; Safiha, la sœur, artiste et créative, qui avait « très tôt contesté la logique de la société dans laquelle nous vivions ; une société qui laminait les femmes et les faibles. » « Cette société où les rôles et les places de chacun étaient fixées depuis toujours par héritage ».
    René-Paul, le compagnon dont elle se sent si orpheline, et qui l’aimait du même amour qu’il aimait son Algérie.
    Les amitiés et les fissures de l’Algérie coloniale, scènes vues, violences, compassion, et quelques années plus tard, le surgissement de nouvelles violences.
    Et pour finir le départ presque forcé. « Je suis partie comme un automate (…) j’ai fui comme une voleuse volant son propre rêve. » Le cœur lourd, comme tant d’autres, Behja Traversac a abandonné sa terre. « Le pays s’emplira de clameurs. Un autre monde s’annoncera… Est-ce possible, est-ce durable, dans ce pays de soleil. »

    Chant d’amour pour la terre natale, ce pays « si dur et si tendre à la fois », dans une langue si belle, si évidente, qu’on voudrait tout citer.
    « Alger ma blanche,
    Alger mon amour
    Comment t’oublier ? »

    Algérie, terre de toutes les déchirures…

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Revue éditoriale

P. 94  © Catherine Rossi, Bastion 23