Note
En ouvrant cet ouvrage, je pensais avoir à faire à ces Fleurs de vieillesse dont parle Agnès Varda dans Les Glaneurs et la Glaneuse, cestachesque l’âge dépose sur la peau des mains… Que Nenni ! Nous avons ici affaire aux allergies d’Enzo, p’tit bonhomme haut comme trois pommes vivant dans la maison mortifère de sa famille « Titre » composée des père/mère et fils unique, 3 Titre(s) au patronyme-anagramme de « Triste ». En effet, l’ambiance total-blues chez M. & Mme Titre rappelle, par ses relents toxiques, Le Magasin des suicides de Jean Teulé. Il semble cependant qu’il y ait eu « maldonne » dans la distribution de ces arbres généa… sans logiques… car le jeune Enzo sonne comme un intrus parachuté chez les Titre tristes, tout comme le héros des « Tuvache » benjamin de la famille créée par Jean Teulé (et illustrée par Patrice Leconte au cinéma) auquel il semble apparenté : les deux enfants sont des parias dans un monde déprimé : Enzo chez les Titre, comme le petit Alan des Tuvache, dénote par son « cruel élan vital », dans un milieu qui ne comprend pas, confiera plus tard Enzo devenu ado, que malade comme j’étais, je trouvais le moyen de sourire.
Carole Menahem Lilin trousse dans un style enlevé – panachage des 400 coups, de Charlie Hebdo et du Petit Nicolas – le passage de la maternelle à l’âge ingrat du collège, où Enzo entame sa lutte contre la pesanteur des relations humaines. Lui qui a renoncé à sauter au cou de ses parents abonnés-aux-absences, adultes stressés aux méfaits/mais-faits anxiogènes, s’attaque aux lois de la gravité, s’entraînant en pirouettes de toutes sortes, saltos, loopings et autres sauts carpés, sous l’œil bienveillant de Monsieur Jahoui, le prof de gym qui entrouvrira devant le jeune athlète une porte de résilience. Mais c’est la rencontre d’Opale, une Alice échappée du Wonderland, globetrotteuse matinée de gouaille à la Zazie dans le métro, qui permettra à l’ouverture dese faire. Entre la fille qui a trop-de-langues-sur-le-bout-de-la-langue etceluiqui n’a pas-de-pot-avec-sa peautoute de volcans éruptifs, va s’épanouirun univers-bulle évoquant L’écume des jours de Vian. Cette Chloé au sabir hispano-franglais digne d’une Jane Birkin interviewée par Fidel Castro, et celui qui se chope une poussée d’eczéma à la moindre ébauche de déclaration platonique, vont voyager dans les labyrinthes multilingues.
Cette cro-craquante princesse Motordu va l’inviter à l’aider, par des leçons de grand’mère, à amadouer cette fitchue-fioutu-funking-frenchie-liangue qui la tuye !Dans la maison-atelier du Daddy-tatoueur, la peau d’Enzo, qui porte tant de mondes attachés, tachés, hérissés et n’a jamais connu la tiédeur d’être à deux, pourra enfin respirer de tous ses pores une incroyable bienveillance. Mais avant d’entrer dans le monde aux douceurs de cookies de cette Alice au pays des tatoos, Opale-Monika-Louisiane-Charleston doit « présenter toi à lui » : au regard myosotis du grand Dad – Patrick-Louis-Charleston aux allures de Yul Brynner – beaucoup trop beau pour un père ! Venant d’un monde où on ne vous regarde en face que pour vous dire non,Enzo découvre une caverne aux meubles trouvés aux Puces : table boiteuse en ovale, fauteuils où on s’enfonce comme dans des coquillages et miroir lézardé encadré à la feuille d’or.
Même si de petits mots en mots jolis, les après-midis passent vite, tout n’est pas si simple : « La petite Meaulnes » – tel que signe désormais la frenchy élève qui découvre Meaulnes, le grand d’Alain-Fournier – toute sioupe au laye qu’elle est, pique,scandale-hissée, de fitchues couleurs quand elle soupçonne ce géant de Dad – nostalgique de la permanence – de songer às’installer per-ma-nen-tly, menaçant son statut à elle de père-narde-pénarde-sans-mère…
Car l’Opale précieuse de son père est restée la piou-piou mal remise du certainly not :refus catégorique renvoyé fermement au projet de mariage qu’elle avait lancé du haut de sa tioute petite enfance. Opale se méfie des piout-être de ce Yul Brynner de Dad qui possède le langage paternel de la peau… En plein conflit ioudipien, il lui vient alors malgré ses 14 ans des envies de pleurer/ployer/pleuroyer… comme une tioute petite kinder en plein Ioudipe. C’est qu’elle perçoit des signaux annonçant des perspectives de Renée/Reynée… la mère reyniée, renégate de la traveller-daughter qui ne smile pas sur commande ? Elle – Hell ?… envoyée du Diable pour biaiser avec Dad dans un Wonderland où décliner « Te quiero » en toutes langues ? Pas question que son grand Cherokee de père retrouve la sirène qui a inspiré son tatouage Soleil pâli, celle qui avait quitté le train avant lui ! Opale-Monika est constiernée mais pas conciernée par le wagon, de la mère qu’elle n’a jamais connue, que son Dad essaye d’accrocher en marche à sa locomotive…
Elle et Enzo – le taiseux devant ses parents qui se déchirayent et celle affirmant « I prefer cookees I cooked » et faisant lapeau-lisse autour d’elle à coups de Liaissez-moi passer ! – ces deux teenagers vont unir leur différence pour désemmurer et décrypter autour d’eux.Sois pas triste/Soie pas triste/Soie precious-précieuse-précise…
Se sentir écouter, même de travers, n’est-ce pas préférable à n’être pas écouté du tout ? Opaline, séismographe de quiétude, cachant un cœur-rébus sur le talisman de sa peau, peut-elle résoudre avec un biaiser les problèmes qui éruptionnent pour dire– à la cardinale – les maux de l’ami volcanisant à courts bouillons ?
Sous la carapace éruptive, y-a-t-il des trésors veloutés ? Et sur la route des sirènes, des fées qui suivent le chemin de Finnigan ?
Dans cette féerie meaulnesque, Carole Menahem-Lilin, distille les raisons-raisins de sa fable pour notre plus grand plaisir. On se laisse greeser en dégustant – disgustant les facéties de sa langue oulipienne, de loupés éruptifs en loopings, masqués derrière contrepèteries et homonymes en vrille qui colorent la greesaille du quotidien.
Nic Sirkis
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